Récit d’un joueur exceptionnel qui pèse lourd pour sa sélection.
Le temps additionnel est dépassé depuis vingt-cinq secondes, mais ce n’est pas le moment d’avoir les yeux rivés sur le chronomètre. Sur la pelouse du stade international du Caire, Youcef Belaïli et Riyad Mahrez sont près du ballon pour ce que les commentateurs aiment appeler un coup franc intéressant. L’Algérie et le Nigeria sont alors dos à dos (1-1) et la prolongation semble s’imposer comme une évidence pour tout le monde. Sauf pour l’attaquant de Manchester City. En quelques centièmes de secondes, tout bascule : Mahrez s’élance et voit sa frappe brossée puissante passer entre Etebo et Collins pour finir sa course au fond des filets d’Akpeyi. Fin, les Fennecs sont en finale de la Coupe d’Afrique des nations pour la première fois depuis 1990. Le but d’une vie pour un bonhomme de 28 ans.
Sans pression
L’histoire de Mahrez avec l’Algérie avait besoin d’un nouveau tournant après un quinquennat de déceptions et de fulgurances, lancé le 31 mai 2014 par deux passes décisives lors d’un succès contre l’Arménie (3-1) et une titularisation contre la Belgique trois semaines plus tard pour l’entrée en lice des Verts à la Coupe du monde 2014. Et depuis? Beaucoup de frustration engendrée par deux échecs à la CAN—malgré des statistiques correctes pour le natif de Sarcelles—et une absence au Mondial en Russie l’été dernier. Mais aussi un nouveau statut acquis grâce à ses performances à Leicester et son transfert onéreux à Manchester City en juillet 2018 (68 millions d’euros). « On ne va pas se mentir, quand on joue dans un grand club, on a toujours une certaine pression quand on revient au bled, confiait Mahrez en conférence de presse après la victoire contre le Sénégal en phase de groupes. «C’est sûr qu’on doit faire la différence mais on n’est pas seuls, il faut dix joueurs derrière nous pour performer. » L’effet Djamel Belmadi.
L’arrivée du technicien sur le banc de l’Algérie en septembre 2018 a tout simplement permis à Mahrez de prendre une nouvelle dimension avec les Fennecs. La recette magique de Belmadi ? Mettre sa star en confiance pour lui permettre de se fondre dans le collectif et lui enlever la pression en pleine compétition après un premier succès contre le Kenya : « Il faut mettre moins de focus et d’attention sur Mahrez, surtout si on veut réussir une grande CAN. On sait qu’il est talentueux et qu’il joue dans un grand club, mais il ne faut pas lui mettre trop de pression. Riyad n’a pas envie d’avoir le statut de star. » Mais cela ne l’a pas empêché d’accepter le brassard de capitaine et ses conséquences depuis le début de l’année civile. « Je suis prêt à assumer mon rôle de capitaine», assurait-il avant le début du tournoi en Égypte. «Être leader sur ou en dehors du terrain est une grosse responsabilité, mais il y a d’autres joueurs qui peuvent le faire aussi. » Peu importe le discours modéré, les actes sont là.
Leader tout-terrain
Sur le terrain, d’abord, où le Citizen a assumé son statut au contraire de Mohamed Salah ou Hakim Ziyech, bénéficiant peut-être de plus de fraîcheur après une saison passée dans la rotation des nombreux attaquants à disposition de Pep Guardiola. Depuis le début de cette CAN 2019, Mahrez n’est pas toujours éblouissant, mais il joue juste et il s’est imposé comme une pièce essentielle d’un collectif bien huilé. Puis, il n’a pas bronché au moment de laisser sa place à Adam Ounas à la 86e minute d’un quart de finale tendu contre la Côte d’Ivoire, assistant du banc à la prolongation ainsi qu’à l’irrespirable séance de tirs au but. Comme pour accepter le fait qu’un simple brassard ne le rend pas intouchable, même si ce coup franc contre le Nigeria devrait lui offrir du crédit dans le cœur des supporters algériens au moins jusqu’à vendredi.
D’après So Foot